Marius MARINET, résistant de la première heure

 

 



Paroles de son fils Jean


Marius MARINET est né le 21 mai 1896. Il a participé à la guerre de 14/18. Il en reviendra avec une blessure,  la Croix de guerre et une citation mais aussi avec de solides convictions pacifistes. Les horreurs de la boucherie de 14, font de lui un homme dur au mal et toujours enclin à ne pas laisser paraître ses émotions, signe de faiblesse, croyait-il. Pour moi, il était un père sévère et exigeant en toutes choses. C’est à la fin de mon adolescence, quand nous nous sommes retrouvés côte à côte dans la résistance, sans s’être concertés, que j’ai compris que sous la rude écorce il y avait un homme de cœur. Toute cette vie, tout ce passé, le conduisirent inévitablement à la prise de conscience de l’injustice sociale. Il entre alors au Parti Socialiste.

 

La défaite de 1940 et l’arrivée au pouvoir de Pétain marquèrent la fin des espoirs immenses qu’avait portés le Front Populaire. Cette défaite réveillera chez lui le patriotisme  et la fierté de l’ancien combattant. C’est donc tout naturellement qu’il devint un Résistant avant la lettre.

Dès fin 1940 et début 1941, il participe à la restructuration clandestine des syndicats qui se fera sous le nom de Mouvement Ouvrier Français (MOF).

Et déjà, dès la fin juillet 1942, il est recruté officiellement par le mouvement « Libération ». A ce moment, il avait quitté son emploi pour devenir gérant de « La Ménagère », coopérative ouvrière d’alimentation (épicerie, boulangerie, charbon, bar). Cet établissement impliquait un va-et-vient continuel de clients et de fournisseurs, ce qui permettait aux résistants locaux et départementaux de passer inaperçus.

En septembre 1942, Marius Marinet est nommé chef du secteur « Cristal 4 » et chargé de créer l’Armée Secrète de ce secteur. Il mènera à bien cette mission puisque fin 1943, l’AS compte à Bellegarde 93 hommes.

Au printemps 1943, l’instauration du S.T.O. oblige l’AS à tenter de persuader les jeunes de ne pas partir en Allemagne. Il prend donc l’initiative, avec ses amis, de créer des maquis dans la montagne. L’activité importante de la Gestapo dans le secteur de Bellegarde-Pays de Gex, devenue un grand danger, suscite le projet d’enlever son chef, un certain Capri.   Une indiscrétion, une imprudence, on ne sait quoi, donne connaissance du projet à un petit mouchard du Pays de Gex en relation avec la Gestapo.

Le 24 novembre 1943, la Gestapo arrête mon père sur son lieu de travail. Le soir de ce funeste jour, deux amis, viennent au Lycée Lalande à Bourg, pour m’avertir et me demander de prévenir les dirigeants départementaux que mon père était seul à connaître. On connaissait sa force de caractère mais la Gestapo était capable de briser les plus durs et il était impossible de prévoir la réaction d’un homme torturé. J’attends donc que mes camarades soient endormis et je quitte discrètement le dortoir et sors de l’établissement. Je me déplace prudemment en ville pour éviter les patrouilles nocturnes des Allemands et de la Milice. Enfin, Madame Greusard entrouvre la porte mais refuse de me laisser entrer sous prétexte que son mari est absent, je ne peux que lui transmettre le message. Plus tard, à la libération, M. Greusard m’a raconté que justement, ce soir là, se tenait chez lui une réunion des dirigeants départementaux avec le colonel Romans-Petit. Dès le lendemain, le colonel Romans met sur pied deux commandos de maquisards pour attaquer la prison de Gex. Ce fut en vain puisque Marius Marinet était déjà à Besançon. Il sera déporté au camp de concentration du Struthof, en Alsace, avec la mention N.N.
Pour la majorité des déportés classée « Nuit et Brouillard » (N.N.), les conditions de détention sont encore plus terribles que celles des autres déportés. Ils n’ont même pas droit à la tenue rayée mais sont vêtus d’oripeaux ridicules récupérés et sont interdits d’infirmerie. Marius Marinet n’a pas tenu plus de deux mois dans cet enfer. A leur arrivée, le commandant Kramer, tristement célèbre, les avait accueillis à la porte du camp par ces mots : « Vous entrez ici par la porte, vous en sortirez par la cheminée »

Après leur arrestation, nous ne savions pas quelle serait leur destination. La seule trace du passage à la gare de l’Est à Paris de Marius Marinet et ses malheureux compagnons, est un petit billet où était griffonné leur départ, billet trouvé sur le ballast par un cheminot qui le fit parvenir à ma mère accompagné par un mot signé X. Après, plus rien…jusqu’à l’annonce du décès de Marius Marinet par Joseph Demornex rescapé, libéré à Dachau. Il avait assisté à sa mort sur la place d’appel le 29 mars 1944 et avait dû le maintenir debout jusqu'à la fin de l’appel. Marius Marinet est mort au Struthof, vêtu d’oripeaux, il est mort de froid, de faim, de coups, d’épuisement par le travail et d’absence de soins…Il laissait deux orphelins de vingt et douze ans…Il avait quarante huit ans…

 

 

 

 

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